Indignations
Mercredi 18 mars 2009. Soleil splendide.
On en oublierait presque les fumées industrielles et portuaires
qui asphyxient le ponant et vont ensevelir Phébus plus tôt
que prévu. A Dunkerque en effet, contrairement à ce qu’a
pu psalmodier Baudelaire, le long linceul de la nuit nappe autant l’Occident
qu’il ne traîne à l’Orient.
Pour moi qui aime la vie, qui accueille
chaque seconde qu’il m’est donné de vivre comme si c’était
la dernière, il ne s’agit donc pas de bouder les bienfaits d’une
journée ensoleillée.
Pendant ce temps, du voyage du
Pape à l’imminente journée de mobilisation sociale, les journalistes
nous enténèbrent, orchestrant avec un art consommé
tout ce qui peut nous plomber et nous confiner dans la sinistrose. Ce faisant,
ils compliquent les situations qu’ils évoquent plus qu’ils ne les
éclairent. Pensez donc ! Un progrès en gestation qu’ils paralysent,
un dialogue qu’ils avilissent en polémique c’est leur seul credo
commercial. Il fut un temps où ils se contentaient des « marronniers
» pour relancer les tirages, désormais ils cultivent les plantes
vénéneuses dans leurs bulles médiatiques…
Et curieusement, personne ne réclame
une sorte de révolution écologique de la presse pour lutter
contre la pire des pollutions, celle de l’esprit.
Tout ce que j’attends d’un journaliste,
ce ne sont pas de feintes indignations devant des déclarations
qu’il a suscitées lui-même sciemment tout en sachant qu’elles
ne pourraient pas être autres que ce qu’elles sont, c’est tout simplement
qu’il m’informe sur les causes réelles des dysfonctionnements de
l’humanité. Et la pandémie de sida, qui crucifie en
Afrique des légions d’enfants et de femmes qui n’en peuvent mais,
n’est pas apparue ex nihilo hier, suite à un propos malencontreux
du Pape (que chacun est bien entendu libre de déplorer et de
condamner). Elle a des causes complexes et multiples qui sont souvent liées
à nos propres égoïsmes… Mais je me rassure : dans quinze
jours, nos gourous des médias s’égosilleront à l’envi
et à tire larigot sur les possibles frasques d’untel ou de tel autre.
La mort pourra œuvrer en toute sérénité en Afrique
et les ONG la combattre avec des clopinettes, dans l’indifférence
totale et l’absolu silence des plumitifs et des indignés cyniques
des heures de grande écoute.
Mercredi qui s’écoule et
soleil qui s’éloigne… Je pense soudain à mes élèves
et étudiants myopathes de l’Hôpital Maritime. Ils savouraient
bien plus que moi la douceur d’un rayon printanier. Ils communiaient bien
plus que moi à la beauté de Baudelaire, à l’élévation
d’une symphonie de Bach, à l’admirable patience des marées
toujours recommencées… Je pense à Frédéric
et Sébastien, à leur humour sans faille, à leur courage
lucide, à leur bonheur d’être et de partager… Ils ont su m’initier
à cet amour de la vie parce qu’ils m’ont fait comprendre que le
bonheur n’est ni un droit ni un dû mais une conquête permanente.