TGV
Mercredi 8 avril 2009. Longue marche
matinale sur la plage de Vias ce matin. J’aperçois au loin les cimes
pyrénéennes enneigées, Canigou en tête. Les
boutiquiers s’activent avant le rush des Parisiens. Les poteries chatoyantes
et sérielles, les vêtements de loisir et les maillots de bain,
les souvenirs de pacotille et les jeux de plage encombrent les étals,
miraculeusement ornés de panonceaux alléchants et «
flashies » : - 20%, - 30%, - 50%... Qui dit mieux ? Pas encore vraiment
déballé que c’est déjà soldé : quel
sens du commerce ! Mais je sais par expérience qu’on marche aussi
bien sur le sable dans un bermuda à dix euros que dans un morceau
de coton Hugo Boss ; les embruns que le vent y dépose sont les mêmes
et le sable s’y incruste avec autant d’opiniâtreté…
Les restaurateurs saisonniers ont
affiché des menus qui se ressemblent comme des frères jumeaux,
des moules frites aux paellas, sans oublier les pizzas internationales
et les poissons méditerranéens surgelés, les calamars
farcis et les tielles sétoises. Comme les prix pratiqués
sont eux aussi siamois, on a donc l’embarras du choix. Les embarras gastriques,
c’est en sus.
Je souris de la trouvaille stupide
d’un snack qui propose rien de moins que « la pizza du Ch’ti »,
au maroilles comme il se doit. Le fromage de Bergues, totalement ignoré
pour les besoins de la cause, a de quoi s’offusquer de concert avec notre
célèbre tourte ou tarte débaptisée en pizza…
Á coup sûr, si la mythique baraque à frites du film
va se nicher sur les plages du débarquement pour faire saliver madame
Obama, si d’aventure elle raffolait des frites, transformant ainsi une
commémoration en kermesse de quartier, le camembert remplacera avantageusement
le maroilles pour l’emblématique pizza du Ch’ti, flambée
au calva pour ceux qui paieront le supplément…
Le bois mort encombre toujours
la plage : sans doute est-il raisonnable d’attendre la fin des pluies de
printemps pour en délivrer le sable durablement….
Il est maintenant 15 heures et
je me rends au village chez un caviste fin connaisseur. J’y achèterai
du muscat blanc à la tirette, d’origine et de cépages à
jamais mystérieux, mais de l’Aude ou de l’Hérault assurément,
et d’un viticulteur orfèvre en la matière : c’est une petite
merveille pour le palais. Malgré une propension rédhibitoire
pour les mets acidulés et les vins corsés ou les dry, j’exulte
toujours au goût onctueux de ce petit muscat délicieusement
sucré, aussi réconfortant qu’une caresse inespérée.
J’en régalerai ce soir ma sœur et mon beau-frère que je dois
quérir à 17 heures 15 en gare d’Agde…
16 heures : le portable d’Anny
sonne. Message de ma sœur : le TGV aura 50 minutes de retard. Nous
irons donc les attendre à 18 heures. Ce retard de TGV –un de plus
– laisse les chauffeurs de taxi désoeuvrés. Ils fument, discutent,
comparent leurs véhicules, vont même jusqu’à soulever
le capot pour juger de la fiabilité des cylindrées. En réalité,
ils s’ennuient et tuent le temps. Assise sur le trottoir, une jeune et
grassouillette paumée visiblement allumée chantonne, l’écouteur
à l’oreille et le piercing sur la langue…
Le TGV finit par arriver. C’est
un bébé qui a provoqué le retard ; un bébé
malade qu’il a fallu transporter en urgence et par hélicoptère
au beau milieu du trajet. Le train s’est arrêté en rase campagne,
la sécurité civile et les secours d’urgence se sont déployés,
les services de santé ont rempli leur mission dans la plus parfaite
coordination avec ceux de la SNCF. C’est plutôt une bonne nouvelle.
Sera-t-elle mentionnée aux actualités télévisées
? Je parie que non. Le sang-froid, la conscience professionnelle, le sens
des responsabilités et l’efficacité au service d’autrui,
ça ne fait pas recette. Mieux vaut focaliser sur les flonflons
africains de Ségolène, un tantinet colonialistes et déjantés,
empreints de charité bourgeoise, à mille lieues des préoccupations
quotidiennes du paysan africain ou de l’ouvrier français…
Je trinquerais volontiers avec
tous ces anonymes qui sauvent quotidiennement la vie de leurs semblables
sans espérer ni souhaiter qu’on les encense… Je risquerais même
un pineau de Charentes qui vaut mille fois une lettre d’excuses… Mais en
attendant je me contenterai de boire en famille un muscat de la région
de monsieur Frêche, toujours en odeur de sainteté au PS (monsieur
Frêche) malgré ce qu’il a pu proférer, et ardent soutien
de l’inexcusable présidente d’une région aux traditions de
goût.