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Jean-Pierre Bocquet
27 mai 2009

Epanchements

Mercredi 27 mai 2009. Tout s’épanche aujourd’hui : les cœurs et les reins, les hommes et la nature. J’ai longé les berges du canal du Midi à vélo. Floraisons invisibles des premières chaleurs ou des dernières pluies, esprits malins des marais, des myriades de minuscules et silencieux moustiques ont épanché leur désir épidermique : ils ont discrètement épanché leurs toxines irritantes dans mes vasculaires en échange d’infimes prélèvements sanguins. Des chapelets de vésicules vont bientôt bourgeonner sur la surface épanchée de mon corps, source d’insupportables démangeaisons exacerbées par la chaleur du soleil. Tout cela va s’épancher et suinter quelques jours avant de se résorber en squames rosâtres et indolores. L’épanchement de la vie est là, impitoyablement indifférent à mes propres épanchements protestataires… Et mes mains débordent à leur tour de l’envie de s’épancher pour gratter jusqu’au sang ces boutons disgracieux qui me crucifient.
Les épanchoirs du canal qui détournent les crues intempestives vers les étendues saumâtres des marais et des roselières sont à sec. Tant mieux pour le vélo ! Pour le vent, c’est une autre histoire : une violente tramontane épanche depuis hier des séries de rafales jusqu’à cent kilomètres/heure… Il faut paraît-il compter en 3, 6, 9 pour déterminer l’épuisement de ses coups de butoir. Pour le moment, ses secousses rageuses et son gigantesque soufflet de forge haletant emportent le pollen de peuplier pour l’éparpiller dans tous les recoins, saupoudrant les merguez qui grillent sur les barbecues de leurs laineuses épices… Gare aux allergies ! Mais entre les épanchements d’histamine et les catastrophiques épanchements de grêlons qui ont bombardé la France de Lille à Toulouse, j’ai fait mon choix : j’opte pour les graciles guirlandes et les entrelacs légers du pollen.
Hier, les manifestants ont voulu à nouveau épancher çà et là leurs cortèges mais le souffle n’y était plus : de toute évidence, mai 2009 ne sera pas mai 68…
Ce soir nous sommes invités à l’apéro chez X. Les bouteilles s’épancheront, mélangeront leurs effluves dans des verres où naîtra l’Américano, boisson alcoolisée que ce cher X prépare à merveille : l’alcool rend volubile, est propice aux épanchements les plus variés, parfois insoupçonnés…
L’épanchement est la loi de la vie, sa trame universelle. Seul l’homme entend y résister, par pudeur, par ruse ou par orgueil… Si nos vies s’épanchaient davantage (oui, je sais, le jeu de mots est tiré par les cheveux…), les douleurs contenues déborderaient sans doute mais aussi les gestes simples, les propos espérés et les accueils généreux que n’égaleront jamais les civilités ordinaires. Je croirai en ce dieu qui créera ces épanchoirs où les limons fertiles de nos émotions cachées féconderont les vastes roselières humides du bonheur qui les baptiseront de leurs fleurs de sel…

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