Guerre et Paix
Mercredi 11 novembre 2009. Commémoration de l’Armistice. Quel armistice
? Celui de 14-18 voyons ! 14-18 : Jaurès, la Marne et Verdun, l’ypérite,
les poilus consentants ou forcés, les tranchées, les premiers
combats aériens, la peur panique des salsifis sans fibres comme
disait l’autre, la célèbre grippe espagnole… et le sang répandu
des millions de morts…
Dans nos 36000 communes, chaque
édile lira solennellement le message concocté par le Secrétaire
d’état à l’adresse de tous ceux qui participent çà
et là aux cérémonies et défilés organisés
pour la circonstance, sur fond de dépôts de gerbes, de bans,
de sonneries aux morts et de Marseillaise, le tout arrosé d’alcool
basique baptisé « verre de l’amitié », arrosage
néanmoins plus sympathique que celui de la mitraille ou des tirs
d’artillerie…
Je suis pour la paix et contre
la guerre. Il n’y a jamais eu, il n’y a pas et il n’y aura jamais de sang
impur… malgré toutes les croyances, tous les fantasmes et toutes
les inepties entretenues en ce domaine. Je préfère penser
que le sang c’est la vie…
Je ne suis pas un pacifiste bêlant
pour autant. Je sais que sans ce sang versé par des ancêtres
connus ou inconnus depuis des lustres et des lustres, au nom de louables
idéaux et de causes justes, je n’existerais sans doute pas ou alors,
prié de ramer en la fermant, je n’aurais pas le privilège
de pouvoir pester contre ceux qui nous gouvernent.
On me fera remarquer que si je
n’existais pas, je n’en saurais rien et que tout serait ainsi définitivement
réglé. Certains regrettent même d’exister. Je ne suis
pas de ceux-là : j’aime la vie…
Je condamne la guerre et je voudrais
tant que tous les gars du monde puissent se donner la main… mais je sais
aussi que bien souvent, faute d’avoir préparé la guerre,
on n’a pas pu maintenir le fragile équilibre de la paix. Ma reconnaissance
va donc à tous ceux qui se sont sacrifiés ou qu’on a sacrifiés
dans des guerres qu’on aurait pu éviter. Et je veux bien croire
qu’au champ d’horreur, saisis par cette peur de la mort qui est le propre
de l’homme, il leur a fallu bien du courage pour endurer toutes les souffrances
du front et résister au renoncement. Ils n’ont pas besoin de procès
en canonisation ; ils sont d’emblée vénérables à
mes yeux, à jamais sanctifiés dans le champ d’honneur de
ma mémoire.
Quant au sang de navet qui coulerait
dans nos veines aux dires des fomenteurs de violence, toujours prêts
à envoyer leurs semblables en découdre, je le laisse à
leur salive belliqueuse : qu’il abreuve les stériles sillons de
leurs univers détraqués pendant que nous partagerons le sel
de la sueur qui féconde le monde meilleur que nous nous efforçons
de construire dans l’humble silence du ciment fraternel.