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Jean-Pierre Bocquet
25 décembre 2009

Jésus myopathe?

Vendredi 25 décembre 2009. Inutile de vous présenter la célébrité du jour : depuis plus de 4000 mille ans nous le promettaient les prophètes quand il est né et depuis plus de 2000 ans c’est fête le 25 décembre. Jésus – puisqu’il faut l’appeler par son nom – crèche un peu partout.
Jésus signifierait littéralement « Dieu sauve », et c’est paraît-il un prénom courant en Galilée à l’époque de sa naissance, c’est-à-dire en -7 à -5 avant notre ère. Barrabas portait le même prénom mais comme il se contentait de truander plutôt que de dire la vérité, personne n’a voulu sa mort.
Quand on veut donner une identité à Jésus, on dit qu’il est de Nazareth. Il est donc de Nazareth comme il aurait pu être du bois, du pont, du moulin ou de la rue ou encore van denbussche, du breucq, du hem, van hille, van hazebrouck, etc. Par respect pour la paille où il vagit, il eût mieux valu l’appeler Delétable. Il y a bien des Delécluse et des Deléglise…
Voilà pour l’identité : un prénom suivi d’un mot qui renvoie à l’origine spatiale ou à un trait physique (on aurait pu avoir Jésus le grand, le gros, le roux, le noir, le gras, le bègue, le jeune, cornu, courte cuisse, le borgne, le beau, que sais-je encore ?). On y va parfois des qualités morales (le bon, le doux, le franc) ou sociales (le noble, de rike, le comte, le vasseur, varlet). Le moyen le plus éprouvé est cependant de renvoyer au père : on est ainsi fils de, ben quelque chose. Mais ce dernier moyen était problématique en ce qui concerne Jésus. Fallait-il l’appeler Jésus ben Youssef ou Jésus ben Yahvé ?
Il est clair que le Jésus que célèbrent les chrétiens fut à la fois et dès sa naissance un migrant, un S.D.F., un pauvre petit rejeton recherché par toutes les polices, un proscrit de la vie que seul le dessein de Dieu protégea d’une mort au berceau, lui octroyant un sursis de 33 ans. Au moins eut-il la chance d’avoir une famille pour l’accueillir et pour l’aimer ! Combien de Jésus n’eurent pour berceau que le bord d’un fossé, livrés à la vermine, rejetés avec leurs mères éplorées par ces brutes instinctives ou policées qui considèrent que les hommes ont tous les droits, y compris celui d’engrosser en toute impunité avant de répudier en tout honneur.(Voir Nativité, Jean Richepin.)*
S’il est bien vrai que Jésus est le fils de Dieu, gloire à Joseph d’avoir adopté cet enfant né sous X et de père inconnu ! J’aimerais bien le rencontrer ce père souverain, déjà spécialisé dans la fécondation in vitro et les banques de sperme. Se pose quand même une question métaphysique : Marie n’est-elle qu’une mère porteuse ou bien le divin liquide séminal a-t-il fécondé l’un de ses ovules ?
Donc ce migrant S.D.F. et proscrit, né de père inconnu et de mère en CDD procréatif a officiellement une identité même s’il n’est pas sûr qu’il soit de Nazareth, nazaréen signifiant plutôt : « qui respecte la Loi (juive), qui obéit à Dieu ». Pour ce qui est de l’identité nationale, j’ai bien quelques idées, mais j’en ferai part ultérieurement…
J’en arrive à ce que Dieu, ce grand fumeur de havanes et grand fan de Serge Gainsbourg, nous cache depuis plus de 2000 ans mais que les Mages, rois, prêtres et éminents scientifiques à la fois, découvrirent le jour de l’épiphanie bien nommée : Jésus était myopathe. Jamais il ne marcherait sur l’eau ; jamais il n’accomplirait le chemin de croix ; jamais il n’aurait la chance d’atteindre ses 33 printemps.
Dieu, qui connaît tout, savait bien de quelle myopathie il s’agissait, qu’elle porterait un jour le nom de Guillaume Duchenne, qu’elle touchait essentiellement les garçons, qu’elle était en rapport avec l’un des gènes du chromosome X.
Excepté Dieu et les Mages, personne ne sut rien de l’affaire, ni Marie ni Joseph, ni Hérode ni Pilate, ni les sanhédrins ni le centurion romain, ni Marie-Madeleine ni Judas Iscariote, ni Luther ni Calvin, ni Nietzsche ni Pierre Bergé… Rien ne devait contrecarrer le plan de Dieu même s’il avait du plomb dans l’aile, il fallait que Jésus soit crucifié, descende aux enfers, ressuscite et monte s’asseoir tout là-haut pour venir juger les vivants et les morts.
Dieu avait commis une erreur, péché par inadvertance, fermé les yeux une fraction de seconde en fumant son cigare, s’était laissé griser par des volutes bleutées de fumée… et pendant ce temps, Gabriel sous l’empire de Satan, avait bâclé l’annonce faite à Marie pour se donner du bon temps ailleurs dans d’autres annonces plus salaces… Il aurait même assisté à un concert de Johnny parce qu’il avait entendu une voix virile tonitruer « Gabriel ». Gabriel ou Gabrièle ? Rompu aux oracles divins mais illettré (il ne savait en effet ni lire ni écrire, pas même épeler) et voulant jouer à l’égrégore (ce qui n’était pas dans ses attributions), il alla s’unir à une fille de Seth, préférant de loin son petit mont de Vénus au mont Hermon. Il la connut bibliquement parlant et il la posséda.
Mais qui avait refilé le gène à Jésus ? Pourquoi pas Marie ? On a beau être vierge et concevoir immaculée, on a les gènes qu’on peut… Joseph ? Mais alors le fils de Dieu  ne serait que le fils de l’homme ? Pourquoi pas ? Dieu lui-même ? C’est la solution la plus plausible : la perfection n’est pas de ce monde mais la maladie de Duchenne n’est ni une tare ni une imperfection, c’est une variable parmi d’autres dans l’invariant de la chair et quand le Verbe se fait chair, c’est autrement plus compliqué que quand il reste au chaud sur son petit nuage, se contentant de créer et de se reposer.
Dieu qui s’en voulait de sa négligence mais qui a réponse à tout, créa sur le champ un clone de Jésus qui accomplit à la perfection ce pourquoi il était programmé, sublime jusqu’au bout dans son rôle de sauveur de l’Humanité, impeccable dans la scène tragique du Mont des Oliviers, n’est-ce-pas Eloïm ? Il accepta même de gaieté de coeur que tu l’abandonnes puisque tu lui garantissais les RTT éternelles, c’était stipulé dans son contrat.
Les Mages n’étaient pas satisfaits de la solution de Dieu. Comment en effet se satisfaire d’un pis-aller ? Être omniscient, pouvoir en remontrer de toute éternité à Erwin Chargaff sur la structure de l’ADN, maîtriser de A jusqu’à Z les manipulations génétiques, pérorer mieux que quiconque sur la mutation récessive du gène DMD sur le chromosome X et ne pas éradiquer la myopathie de Duchenne ? Quel scandale ! Pour le commun des mortels, tout ça c’est de l’hébreu ; mais pour Dieu c’était un jeu d’enfant. Et dire qu’il avait opté pour le clonage sous prétexte que ce qui est écrit est écrit et doit s’accomplir. Il lui suffisait d’abolir, de produire un discret miracle sur la personne de celui qui n’hésiterait pas à dire aux autres : « Lève-toi et marche… » Les Mages n’approuvaient pas cette lâcheté de Dieu et n’étaient pas loin de le prendre pour un irresponsable…
Reste que chercher l’inspiration dans un havane c’est aussi grave et mortel que de croquer la pomme de l’arbre de la connaissance : et c’est ainsi que depuis plus de 2000 ans Dieu s’est lui-même évincé du Paradis céleste, attendant que nous le sauvions chaque jour qu’il fait en accueillant les autres tels qu’ils sont et quels qu’ils soient. Dieu sait que parfois, recrus de souffrance, de malchance ou de misère, ils peuvent être tentés de désespérer de Lui, mais il sait aussi que nous avons une mission sacrée : qu’ils ne désespèrent jamais de nous…
Dans sa crèche étoilée, Jésus myopathe nous sourit : il a confiance en l’œuvre que nous ne cessons d’accomplir. Sur l’autel de nos mains luit la flamme d’un monde meilleur et plus éclairé… Avec un peu d’amour et beaucoup de travail, tout est possible.

* Jean RICHEPIN (1849-1926)

Nativité

D'aucuns ont un pleur charitable
Pour Jésus né dans une étable.
Je sais un sort plus lamentable

Je sais un enfant ramassé,
Un jour de décembre glacé,
Nu comme un ver, dans un fossé.

Il est nuit. Pas une voisine
N'offre à sa grange ou sa cuisine
A la pauvre mère en gésine.

Malgré sa mine et son danger,
Qui donc voudrait se déranger ?
Elle est en pays étranger.

Donc, depuis l'étape dernière
Se traînant d'ornière en ornière,
Elle va, bête sans tanière,

Bête hagarde qui s'enfuit
Et cherche à tâtons un réduit,
Les yeux grands ouverts dans la nuit.

Ses reins lui pèsent. Ses mamelles
Que gonflent des cuissons jumelles
Sont pleines comme des gamelles.

Son ventre, où flambent des chardons,
Sent l'enfant, fils des vagabonds,
Qui veut sortir et fait des bonds.

Elle va quand même, plus lente,
Tirant ses pieds lourds dont la plante
Saigne. Elle va, folle, hurlante,

Soûle, et, boule, roule au fossé ,
Et maudit le mâle exaucé
Par qui son flanc fût engrossé.

La face au ciel, comme en extase,
Elle se tord. Son cou s'écrase
Sur les cailloux et dans la vase.

Elle accouche enfin, en crevant ;
Et le gueux nouvel arrivant
Grelotte et vagit en plein vent.

Le vent est dur, sa chair est nue.
Aucune étoile dans la nue
Ne vient saluer sa venue.

Pas de mages, pas de cadeaux,
De crèches, de bergers badauds !
Il est seul, couché sur le dos,

Comme un supplicié qui claime,
Tout noir près du cadavre blême,
Sans personne au monde qui l'aime ;

Et, par sa mère au ventre ouvert
Je jure, le front découvert,
Que l'autre n'a pas tant souffert !

 

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