Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jean-Pierre Bocquet
9 mars 2010

Femme

 Mardi 9 mars 2010. J’ai failli perdre mon âme et ma voix dans le remake de l’émission « Reine d’un jour » que nous resservent les médias chaque année à l’occasion de la journée de la femme. C’était hier. Je préfère en parler aujourd’hui. C’est en effet aujourd’hui qu’a lieu la journée de la femme, identique à chacune de ses journées, dans l’ingratitude du temps, des hommes et des mentalités.
Femme. Quelle femme ? Celle qui trône dénudée sur les panneaux publicitaires, dans les magazines ou les spots télévisés pour inciter à la consommation? Parce que la sensualité d’un parfum, d’un arôme, d’un sordide café peut-être, nécessite le soutien évaporé d’un vaporeux corps féminin? Une sérieuse étude scientifique américaine conclut même que les courbes féminines agiraient identiquement à la drogue ou à l’alcool sur le cerveau masculin. C’est dire à quel point les hommes sont restés des primates, pire même ; des reptiliens que régissent le sexe et la mort, assoiffés de pouvoir, dans la violence symbolique ou réelle.
Quelle femme ? Celle que l’homme voile, bat ou viole en toute impunité ? Celle qu’il exhibe – légitime ou en prime -, caparaçonnée de fourrure et de bijoux, comme un signe extérieur de richesse ? Celle que la chanson voudrait libérée même si ça n’est pas si facile ? Celle qu’on délègue aux coins des rues pour faire la manche ou dans les conseils d’élus, par quotas savamment pesés, calculés, bidouillés par les mâles dominants ?
Quelle femme ? La femme du boulanger ou bien du vidangeur ? L’amazone ? La guérillère ? La virago ? Celle qui se revendique ni pute ni soumise ? J’ai bien peur que partout dans le monde, du cercle de famille à l’entreprise et du clan aux organisations démocratiques les plus élaborées, les hommes se liguent pour étouffer les prétentions de cette dernière…
Loin de moi l’idée que la femme serait un ange. Elle n’a rien à envier à l’homme en matière d’atrocité, de sadisme, de goût immodéré de la possession et du pouvoir. Elle en a tous les défauts, les pleurs en plus. L’ambition, l’orgueil, la haine et la jalousie la malmènent aussi. De cela, Molière, Racine et Louis-Ferdinand Céline nous parlent. Et quand, décrivant la fraternité clanique et de violence, Nietzsche clame « Et lorsque vous êtes quatre qui se réunissent, il faut bien qu’il y ait quelque part un cinquième qui meure ! », il pourrait étendre la formule à l’autre partie de l’humanité dans l’allégresse.
Quelle femme ? L’égérie ? La courtisane ? La rombière toute en rondeurs ? La fée du logis ? L’inspiratrice ? La Béatrice de Dante ? L’araignée Ariane pour son fil à la patte ? La salvatrice ou la rédemptrice ? La mère dont je suis né sans pour autant avoir le privilège d’être une opération du Saint-Esprit ? La femme savante ? La blonde ? La Castafiore, cet hapax tintinogramme ? La femme à barbe ?
J’arrête là cet inventaire à la Prévert. J’aurais pu le prolonger par la femme surréaliste, celle qui est l’avenir de l’homme, des yeux d’Elsa à Nadja, celle des yeux fertiles, de Man Ray ou de Paul Eluard, celle que chantaient déjà Ronsard, Nerval ou Baudelaire, la reine ou la fée. J’aurais pu ajouter au tableau une petite touche de ce deuxième sexe de Simone de Beauvoir, de la femme adultère de Brassens, mais chacun a le mont de Vénus qu’il peut…
Il y a les femmes maudites et martyrisées, celles de Sade et de Laclos, et leur envers pervers, la Merteuil. Il y a leur avers, la pauvre Thérèse de Mauriac, que le poison des convenances condamne à dépérir sous la naphtaline des bonnes mœurs.
Il y a encore le filet à provisions de Philippe Sollers ou Femmes est amputé de l’article, comme si ce sexe qui vaut bien que nous le regrettions à en croire La Fontaine n’avait aucune conscience ni identité, ni singularité ni potentialités, et n’était que l’aléatoire déclinaison d’une galerie de portraits où cent visages différents se réduiraient au même mode d’emploi.
Femmes. Je pense à toi Myrto. Je ne songeais pas à Rose… depuis, j’y pense toujours. Ah ! cette vieille chanson du jeune temps. Cette mystique du rideau de ma voisine ! Faut-il s’agenouiller devant les femmes et leur offrir notre prière ? Victor Hugo y a toujours sacrifié, en phoenix culprit, en satyre de l’île de Serk parcourant la lande en quête de nanas à l’odeur de bergère…
Femmes. Femme. Quelle femme ? L’origine du monde révélée par Courbet dans une lascivité réaliste et salace?Celle-là même que planquait le chiasmatique Lacan au paravent de ses fantasmes et pour l’œil torve et aguerri des seuls initiés.

 

S’il me fallait enfin célébrer une femme,
Que ce soit la plus humble et la presque oubliée ;
Qui sait ce qu’est souffrir et qui tisse la trame
D’un rêve sans espoir, dans l’hiver, esseulée.
Je pense à la migrante, à Fantine édentée
Endurant la souillure pour sauver sa Cosette ;
Je pense à l’orpheline à dix ans violée
Par le père ou l’aïeul sur le coin de la couette.
Je pense à l’innocente en dette de bonheur
Qu’un mâle incestueux avilit sans vergogne
La blessant à jamais dans la chair et le cœur
Et sans même un remords sur sa sinistre trogne.
Chaque homme est un Cenci qui piétine et ravage
Au lieu de respecter celle qui fut première,
Qui lui offrit la vie et l’amour en partage
Et dont les yeux vieillis se nimbent de lumière…

La femme. Quelle femme ? Elle restera pour l’homme un point d’interrogation tant qu’il refusera de se poser les bonnes questions…
Je pense en ce 9 mars à toutes ces femmes que la fermeture de la Raffinerie des Flandres va briser. On a surtout parlé des hommes, comme souvent. Égoïstement… Comme si l’homme pouvait s’en tirer en leur accordant une journée comme il y a les journées du patrimoine. Ma femme est trop con pour ceci ou cela disait l’autre. Et lui donc !

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Jean-Pierre Bocquet
Derniers commentaires
Archives
Pages
Publicité