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Jean-Pierre Bocquet
17 juin 2011

Apocalypse, c'est toujours pour demain

 

Vendredi 17 juin 2011. Et voilà le retour en force de l’apocalyptisme ! Après le dépliant publicitaire millénariste de l’an 2000, l’Internationale de la catastrophe finale sollicite ses filiales en marketing pour nous prédire la fin du monde le 21 décembre 2012.

Personne n’y croit vraiment mais, à rebours, chacun établit des rapprochements troublants avec le sens caché d’écrits prophétiques qui jalonnent l’Histoire tout en sélectionnant les théories pseudo-scientifiques qui les corroborent. Cette fois-ci, sur fond de vague et de vogue New Age, d’entrée dans l’ère du Verseau, d’ufologie et de catharisme de bazar, les gourous et les charlatans en quête de domination et de magots mènent l’offensive sur l’Internet, prêchant la catastrophe pour aviver les angoisses existentielles et proposant des panacées pour y échapper.

Du coup, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires s’inquiète et nous appelle à la vigilance, notamment contre l’arnaque du recours exclusif aux thérapies alternatives. J’adore la tomate et le citron mais me voilà prévenu, ils ne donnent pas l’immortalité.

C’est curieux, cette fin des temps. Un volumineux essai du philosophe slovène Žižek s’intitule Vivre la fin des temps. On peut ne pas partager les analyses stimulantes et parfois sulfureuses développées dans l’essai en question ; il a cependant l’immense mérite de donner à penser. Et il aborde précisément les trois versions de l’Apocalypse : «  le fondamentalisme chrétien, le New Age et le post-humanisme techno-numérique ». Il y explique comment chaque version nourrit et se nourrit des visées des deux autres, comment dans l’exploitation du génome humain nous avons d’ores et déjà perdu la bataille contre les Chinois, comment la fameuse autonomie de la personne – si chère à Kant – risque de s’évanouir… Il  pose aussi la question primordiale : « Qui va transformer qui ? » Finalement, tout est toujours possible, dans l’ordre du bien comme dans celui du mal. Les abeilles meurent mais les champignons raffolent de radioactivité. Nous pourrons bientôt nous en goinfrer. Cela nous évitera les germes de soja et les steaks frelatés en dépit de toutes les précautions sanitaires et des traçabilités draconiennes. Heureuses cantines scolaires d’antan où le steak haché du boucher du coin régalait l’enfant connaisseur et l’éduquait au plaisir d’un bon repas ! La semelle grumeleuse et caoutchoutée, insipide mais truffée de bactéries pathogènes, métamorphosée en geyser à la moindre pression de la fourchette, tel est le produit alimentaire de notre époque de fin du monde pour ceux qui en mangent !

Quant aux charlatans, ils n’ont pas attendu la fin des temps, ils furent de tous les temps. Inventifs, prodigues en prodiges prétendus, aussi créatifs que Bill Gates mais nettement moins généreux en dons humanitaires. L’avisé La Fontaine remarquait déjà que :

« Le monde n’a jamais manqué de charlatans.

«  Cette science de tout temps « 

«  Fut en professeurs très fertile. »

Espérons simplement qu’en cette fin des temps, les charlatans n’aient pas lu la fable du protégé de Fouquet et qu’il ne vienne pas à l’idée de l’un d’entre eux de faire d’un âne un orateur moyennant finance. Pourquoi pas un président de la République pendant qu’on y est ?

Si tel était le cas, Michel Foucault aurait gagné son pari, et le visage de « l’homme s’effacerait, comme à la limite de la mer un visage de sable ».

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