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Jean-Pierre Bocquet
1 avril 2011

Arnaques printanières: Fukushima, Afrique, cantonales, présidentielles et poissons d'avril en tous genres.

 

Vendredi 1er avril 2011. Le jour n’est plus aux poissons, malgré une tradition bien enracinée. La centrale nucléaire de Fukushima est passée par là, avec sa structure d’inspiration romane et ses réacteurs déglingués. Même Dieu ne se risquerait plus à manifester sa présence à l’homme dans ses puits en fusion et ses radiations infiniment prosélytes. On nous prépare au pire de jour en jour, au goutte à goutte. Désormais, les opérateurs n’excluent plus le ruissellement des eaux vers l’océan. Mais que tout le monde se rassure et dorme sur ses deux oreilles :ils pomperont l’eau polluée comme d’autres séparent le bon grain de l’ivraie. On les imagine aussi figeant les vagues et les courants par imposition des mains, suspendant aux nues les averses nocives, détournant les poussières dans des zones inhabitées, garantissant à tous l’eau pure, l’air respirable, la saine alimentation et  la pêche miraculeuse pour des siècles et des siècles. N’est-il pas là le poisson, le gros poisson d’avril ? N’est-il pas là dans les ultimes tentatives de ces magiciens disqualifiés pour chloroformer les opinions publiques ? La vérité, c’est que le japon va  prendre l’eau polluée et que ce mythique Empire du soleil levant risque de se muer en musée déserté de la déraison des hommes.

En ce printemps maladif, le Monde n’en finit pas de bouger, de plaques tectoniques géologiques en plaques tectoniques géopolitiques.  Partout, des tsunamis balaient les certitudes les plus ancrées et les habitudes les plus rentables. Libye, Syrie, Côte d’Ivoire, après d’autres et avant d’autres, pages actuelles de cette Bible vivante où se lit l’exigence de  liberté et de justice. L’Histoire est de retour.

Curieusement, dans ce regard décentré qu’il proposait à ses contemporains, Montesquieu situait son apologue des Troglodytes au sud de l’actuelle Libye. Le programme moral qu’il y esquissait se nourrissait d’anarchie vertueuse et d’amour fraternel, de solidarité active et d’entraide mutuelle. Les hommes de cette utopie n’avaient ni haine ni envie, et tout ce que pouvait faire le plus sage d’entre eux, c’était s’assujettir à gouverner ses semblables. Kadhafi qui s’est paré du titre usurpé de guide aurait été bien inspiré de lire cet apologue et son programme moral. Mais il est vrai que Kadhafi ne lit pas, il clame et vocifère… Mais il est vrai qu’un programme moral n’a jamais fait un programme politique, nous sommes bien placés pour le savoir. Kadhafi a préféré se blinder dans sa folie destructrice, camper sur notre propre déraison, asservir les siens et utiliser les missiles que nous lui avons généreusement vendus pour liquider son peuple dont les sandales sont bien souvent les seules armes. On est bien loin de toute morale dans cette affaire !

L’Afrique toujours. Celle de Stephan Hessel. J’ai croisé ce vénérable vieillard lors de la journée d’ouverture du dernier Salon du Livre de Paris. J’y allais dédicacer mon polar Dunkerque sous le signe d’Othmane. Othmane, un jeune Marocain fictif victime des apparences et de nos préjugés. Il venait dédicacer son testament philosophique et politique Indignez vous. Je n’aurai pas l’outrecuidance de prétendre l’égaler parce que les hasards d’un salon m’ont permis de l’appréhender de visu. Je ne discuterai pas non plus de la véracité de son testament. De toute façon, la vérité est plurielle, et la recherche sincère de la vérité importe plus que les vérités momentanées et successives de la connaissance. Mais je ne pourrai oublier son visage, cette expression de bonté sagace et de générosité du sourire et du regard sur ce corps frêle et légèrement voûté par l’âge, cet humanisme profond de l’expression.

Il veut renverser la perspective, replacer l’homme au centre du projet, évacuer des finalités la loi du profit. Et le paradoxe de l’affaire, c’est que ses éditeurs se préoccupent d’abord de la loi du profit en surfant sur des écrits qui la dénoncent. Du coup, ils viennent de rééditer Danse avec le siècle. J’avais lu cet ouvrage en 1997 et j’en recommande particulièrement le chapitre sur l’Afrique, ce continent tant aimé par Stephan Hessel. Il y décrit ses espoirs, ses actions et ses attentes, l’impéritie pérenne des services français, tous gouvernements confondus, malgré les vues souvent pénétrantes de certains ministres, tels Jobert et Cheysson. Et il pose un diagnostic sans complaisance, tout comme dans Indignez vous. Pour ces audaces et parce qu’il dérange les jeux convenus, on cherche à le discréditer et certains rêvent ouvertement d’avoir sa peau.

Les mêmes sans doute qui s’adonnent à d’autres danses et qui ont payé leur entrée au bal des prétendants qui bat son plein depuis les cantonales et leur trop-plein d’abstentionnistes. C’est à qui, imitant la java bleue de Berlusconi à Lampedusa, entrera en piste le premier pour éblouir la galerie. J’espère que le PS ne nous jouera pas trop le quadrille des lanciers et que certains, à droite, abandonneront vite cette valse à trois temps qu’ils esquissent avec la luciférienne qui n’a rien du romantisme échevelé d’une Emma Bovary. Rendez-vous en mai 2012.

Danse avec le siècle nous propose aussi de substituer à la galerie des ego surdimensionnés des assoiffés de pouvoir qui ne pensent qu’à ça, le « nous » d’un projet véritablement collectif pour le plus grand bien de tous. Et c’est vrai que le citoyen en a ras le bol de ces « moi je, moi je, moi je… ».

Que restera-t-il bientôt de nos lamentables cantonales et des  « clubs d’électeurs aux stupides bagarres » pour reprendre la formule de feu Jules Laforgue ? Rien. Rien si ce n’est

« …par les brumes Sali, »

« Les feuilles d’or des bois et les placards moroses »

« Jaunes, bleus, verts fielleux, écarlates ou roses, »

« Des candidats noyés par l’averse et l’oubli. »

Par l’averse radioactive du déluge de nos déraisons ? Espérons quand même que loin du « de profundis sceptique et monotone », il nous restera les amoureux de Laforgue « seuls dans leur nid » et qui s’adorent. Quand on l’amour en partage, c’est déjà ça…

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