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Jean-Pierre Bocquet
19 janvier 2011

Actu: Temps forts?

Mercredi 19 janvier 2011. À une certaine époque, une poudre à lessive lavait plus blanc que blanc paraît-il ; depuis dimanche dernier la France aurait résolu le problème du trou dans la couche d’ozone, par Marine Le Pen interposée…

 

Oh ! ne nous inquiétons pas. Comme son père, Marine Le Pen a lu ou fait lire Les Origines du totalitarisme, écrit voici des décennies par Hannah Arendt. C’est donc à juste titre et en s’appuyant sur les analyses que développe dans cet ouvrage la philosophe juive qu’elle brocarde les deux « totalitarismes modernes que sont l’islamisme et le mondialisme ». Hannah Arendt pensait en effet que dans la société de masse, l’individu angoissé, privé d’identité et vidé d’intérêt pour soi-même, subit la désolation insupportable de ce manque. Par l’identité fictive qu’ils instaurent, les systèmes totalitaires comblent ce besoin, structurant les rapports sociaux par l’idéologie et la terreur, apaisant l’angoisse existentielle par l’abolition de la pensée, chacun occupant la place que le système lui assigne. Le nazisme et le stalinisme ont été de ces constructions fictives. Islamisme et mondialisme en sont aujourd’hui. Soit. Nul besoin d’être Maître Cappello pour comprendre cela.

 

Encore que, sans les mots pour les dire, certains concepts ou certaines pensées nous échappent à jamais. Et cela aussi la fille de son père le sait. Elle sait que la masse désemparée de ses électeurs n’a qu’une connaissance « affective » et émotive des mots qu’elle lui tisse, viscéralement angoissé, terrifié ou haineux quand il entend les uns, brusquement rassuré ou enthousiasmé quand elle entonne les autres. Ainsi se précipitent-ils aveuglés et consentants dans le totalitarisme dont celle qui les berne prétend incarner l’antidote.

 

C’est beaucoup plus grave et sournois que les comportements de populisme et de démagogie auxquels l’on voudrait souvent réduire le phénomène. Alors, quand j’entends telle amie prétendument démocrate me parler des bonnes idées à glaner dans cette idéologie ou chez tel ou tel de ses représentants, je nourris les plus vives inquiétudes. C’est comme si le viol n’était plus un viol parce que le violeur a usé de préservatifs…

 

La médecine aussi à ses totalitarismes. Par exemple quand elle présente les médicaments comme des panacées, apaisant ainsi l’angoisse des patients par l’univers illusoire et mensonger d’une santé fictive. Le constat des dégâts ne viendra qu’ensuite. Pensons au Médiator. Et quand Malraux disait : « Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie. », certains qui ne vivent que pour l’argent, qui pensent que tout doit être organisé pour rapporter de l’argent, subordonné à la rentabilité financière, n’ont retenu que la première partie de l’aphorisme…

 

Et pendant ce temps, nos frères tunisiens luttent pour réinventer chez eux la démocratie. Parce que la démocratie est une fleur fragile, un rameau de jasmin à cultiver avec amour et vigilance, un régime que ses ennemis rêvent quotidiennement d’abattre parce qu’il dérange. Que chacun puisse prendre en main son propre destin, penser par lui-même, participer aux décisions qui le concernent, concilier dans une solidarité vivante ses exigences de liberté, de vérité et de justice, voilà ce qui dérange. Voilà aussi qui veut dire qu’une démocratie authentique est toujours au-delà des aspects strictement constitutionnels de la question. J’espère que nos dites démocraties n’inclineront pas à la complaisance pour tous ceux qui voudraient étouffer dans l’œuf ce qui est en train de naître en Tunisie.

 

Pierre Mendes France savait bien que la démocratie est un horizon jamais atteint, toujours reculé, obligeant aux efforts incessants et renouvelés des démocrates, et avant tout un état d’esprit. Elle n’est pas l’apanage de tel ou tel peuple, de telle ou telle civilisation. Elle est partout où des hommes ont assez de courage pour la mettre en œuvre, d’imagination pour la réinventer chaque jour et de claire conscience que la tâche ne sera jamais achevée.

 

Sinon, comme l’écrivait à juste titre Hannah Arendt, « c’est le désastre, et non le salut, qui se produit toujours automatiquement », et elle ajoutait que dans le domaine des affaires humaines, les miracles « ce sont les hommes qui les accomplissent, les hommes qui, parce qu’ils ont reçu le double don de la liberté et de l’action, peuvent établir une réalité bien à eux ».

 

Révolution du jasmin. Merci à nos frères tunisiens pour nous avoir redessiné la voie que nous risquions d’oublier, séduits par les chemins obliques et trop souvent embourbés dans leurs ornières. Un jour, ils pourront se parer du beau titre de précurseurs…

 

Quant à nous, quand le mensonge par omission se glisse dans la précision qu’on néglige, qu’on oublie, qu’on occulte volontairement, il nous mène déjà vers les affres (encore un mot à la sauce Cappello, mais il sonne si juste !) du totalitarisme. Comme l’apprentissage des langues étrangères, la démocratie est un combat permanent contre l’oubli…

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